Accompagner le pouvoir d’agir des personnes exilées : conditions d’émergence d’une professionnalisation collective et émancipatrice

Visée professionnelle

Les évolutions législatives et réglementaires autour de la place de l’usager ainsi que les différentes contraintes budgétaires et politiques amènent les institutions et les professionnels à questionner leurs interventions. Le contexte, d’une part, au fil des années, s’est révélé plus contraignant, avec une restriction des moyens alloués mais aussi un accès au droit au séjour plus complexe. Les politiques publiques, qu’elles soient relatives au champ de l’action sociale ou qu’elles relèvent de la politique migratoire, viennent, régulièrement, générer des conflits de valeurs chez des professionnels qui revendiquent le respect de la déontologie de leurs professions et la préservation d’une réflexion éthique. Les institutions, à l’interface de la politique et des professionnels de terrain, se retrouvent également aux prises avec ces contradictions.

D’autre part, l’évolution des modalités d’accueil au sein des institutions, avec la transformation fréquente des hébergements collectifs en habitats diffus, vient appuyer cette tension entre une position protectrice, faite de proximités, et une posture qui place l’intervenant davantage à distance, sur le plan géographique mais aussi par une réduction de ses disponibilités. L’autonomie, le pouvoir d’agir, l’autodétermination, l’empowerment, ou l’émancipation constituent des concepts prisés par la recherche en sciences humaines et sociales et ouvrent des pistes de réflexion dans le réel de l’activité professionnelle. Favoriser la capacité d’agir des personnes accompagnées, qu’elles soient demandeurs d’asile, bénéficiaires d’une protection internationale, réinstallées ou déboutées, apparaît comme une première piste de travail pour réinventer les pratiques professionnelles dans un contexte où les acteurs de terrain n’ont finalement que peu de prises. En d’autres termes, au-delà de la contestation d’un système qui ne parvient plus à répondre aux multiples besoins des plus vulnérables, les professionnels pourraient, au travers de ces concepts dont il s’agira de définir ensemble les contours, devenir les acteurs, voire les auteurs de nouvelles modalités d’accompagnement au travers d’une intervention au croisement de la recherche et de l’action.

Personnes concernées et prérequis

Ensemble des professionnels de l’institution. Pas de prérequis. Pour un groupe de 5 à 25 personnes maximum.

Objectifs opérationnels

Co-construire un espace de réflexion collective endogène sur les pratiques professionnelles pour promouvoir une démarche porteuse de sens pour les professionnels et l’institution

Verbaliser et mettre à jour les représentations sociales et professionnelles qui orientent la pratique professionnelle à propos de l’accompagnement de l’ensemble des personnes exilées accompagnées par la structure

A travers les retours réflexifs réguliers sur ce qui se vit sur le terrain, développer la mise à distance des tensions individuelles et collectives

Repérer collectivement les marges de manœuvre existantes pour mettre en pratique un accompagnement éthique qui favorise le pouvoir d’agir des personnes accompagnées

Consolider la cohésion de l’équipe au sein de l’institution pour faire face aux difficultés du réel

Contenu

La Recherche-Action par les libertés théoriques et méthodologiques qu’elle autorise s’avère pertinente pour accompagner les changements par la co-construction de solutions concrètes visant également à l’élaboration collective de savoirs transposables dans d’autres contextes institutionnels. C’est pourquoi, la présente proposition d’intervention peut être modifiée dans l’échange avec les participants de la recherche avant ou pendant l’intervention.

Sera encouragée, qu’elle que soit la forme de cette intervention, une approche démocratique et participative qui visera à créer un espace de dialogues, voire de controverses, pour cheminer ensemble vers de potentiels changements. Différents travaux ont montré que l’ouverture d’espaces de conflictualité promptes à faire dialogue les contraires, quand ils s’accompagnent d’un cadre bienveillant et dénué de jugements, pouvaient permettre d’amorcer la coconstruction de solutions concrètes aux difficultés rencontrées.

La présentation des visées de cette formation a montré que les préoccupations actuelles se situaient dans la tension entre la préservation d’une éthique d’intervention et les réalités du champ de l’action sociale dans un contexte de restrictions particulièrement contraignant. L’accompagnement des personnes exilées (demandeurs d’asile, BPI, réinstallés ou déboutés), entre protection et répression, entre proximité et distance, est révélateur de bon nombre de tensions qui viennent remettre en question les pratiques et les fonctionnements institutionnels.

Nous proposons de focaliser notre attention sur l’accompagnement de l’ensemble des publics en situation d’exil accueillis au sein de l’institution et sur les pratiques professionnelles afférentes. Les fonctionnements institutionnels pourront être questionnés mais, toujours, avec une focale sur leurs implications dans la pratique professionnelle des intervenants sociaux. Une première intuition nous conduit à faire l’hypothèse que le développement du pouvoir d’agir des personnes ayant vécu l’exil, par la mise en œuvre d’un accompagnement émancipateur, peut permettre de réduire les tensions inhérentes à la complexification du contexte d’intervention.

Nous pourrions ainsi nous questionner, tout au long de ce travail, sur les modalités d’intervention qui pourraient permettre aux personnes accompagnées de se préparer à la sortie de l’institution d’accueil, sans violences institutionnelles, mais par le développement de leurs capacités à prendre en main leur existence.

Conditions matérielles

Durée

Méthodes, moyens pédagogiques, évaluation des résultats

Tous les professionnels de la structure sont associés à la démarche dès le lancement de la recherche-action pour favoriser une participation endogène plénière : Présentation en collectif de la démarche – Premiers échanges avec les participants de la recherche et clarification des exigences éthiques et déontologiques de cette recherche-action.

Les professionnels volontaires sont invités à s’exprimer en toute confidentialité à propos de leurs pratiques professionnelles auprès de l’intervenante. Ils sont ainsi amenés progressivement à entamer une auto-réflexion sur leurs interventions dans un espace sécurisé : Réalisation d’entretiens individuels avec les professionnels volontaires pour participer au travail de recherche-action. Ces entretiens enregistrés, retranscrits puis analysés auront vocation à accéder à la représentation chez les différents professionnels de l’accompagnement des personnes en situation d’exil avant le lancement de la recherche-action

Les professionnels, en accédant de façon anonymisée, aux résultats de l’analyse des entretiens, sont amenés à ouvrir collectivement un espace de réflexion professionnelle par la confrontation des points de vue et perspectives d’analyse : Présentation des résultats des entretiens aux participants de la recherche-action lors d’un premier focus group (sans la direction dans un premier temps) et mise en débat des résultats. Les échanges seront enregistrés, retranscrits puis analysés.

Les professionnels, en accédant de façon anonymisée, aux résultats de leurs premiers échanges collectifs, sont amenés à poursuivre la réflexion collective en la confrontant aux contraintes de l’environnement institutionnel : Restitution en assemblée plénière (avec la direction) des résultats des entretiens individuels lors d’un deuxième focus group. Création d’un premier espace de conflictualité pour se mettre d’accord collectivement sur ce sur quoi il est possible d’agir ensemble au sein d’un environnement institutionnel donné et nécessairement contraint. Ces deux temps de discussions seront également enregistrés, retranscrits puis analysés.

Les professionnels, en gardant trace de leurs pratiques professionnelles quotidiennes, sont amenés à entamer un processus réflexif constant et progressif pour transformer leurs pratiques autour d’une visée commune, celle du pouvoir d’agir des personnes exilées : Présentation et coconstruction d’une approche ethnographique (observations-participantes) pour laquelle les acteurs de terrain seront mobilisés pour garder des traces des expérimentations de terrain en dehors des temps de présence de l’intervenante et ce, dans l’objectif de les mettre en discussion lors des temps de formation.

Les professionnels sont amenés à poursuivre la réflexion collective dans un espace de formation articulation théorie et pratique en s’appropriant ce qu’impliquent les différents concepts visant à favoriser le pouvoir d’agir des personnes accompagnées : Temps de formation mobilisant la réflexion des professionnels sur les concepts qui pourraient éclairer la problématique de recherche, tels que l’autodétermination,  le pouvoir d’agir, la responsabilisation et l’autonomie (croisement des apports théoriques avec les premières expérimentations de terrain vécues).

Les professionnels sont à poursuivre la réflexion collective grâce à un travail d’écriture collective autour de la complexité de la demande d’asile : Des groupes de travail permettent d’échanger sur le contenu de l’article et de réaliser des relectures collectives du travail d’écriture réalisé en dehors des temps de formation. L’article pourra l’objet d’une publication dans une revue professionnelle et/ou dans une revue scientifique (sous réserve des résultats de l’expertise de l’article).

Les professionnels sont amenés à poursuivre la réflexion collective dans un espace de formation articulant théorie et pratique autour du sens du travail social : Co-construction d’une définition commune du travail social pour définir ensemble les contours et limites de la professionnalité.

A l’issue de l’intervention et des expérimentations sociales conduites, les professionnels volontaires sont invités à s’exprimer en toute confidentialité à propos de leurs pratiques professionnelles auprès de l’intervenante, poursuivant ainsi le processus d’auto-réflexion : Réalisation d’entretiens individuels avec les professionnels volontaires ayant participé au travail de recherche-action. Ces entretiens enregistrés, retranscrits puis analysés auront vocation à accéder aux éventuelles évolutions de la représentation chez les différents professionnels de l’accompagnement des personnes en situation d’exil après les phases d’expérimentations et de réflexion.

Les professionnels, en accédant de façon anonymisée, aux résultats de l’analyse des entretiens, sont amenés à évaluer collectivement leurs potentielles transformations par la confrontation des points de vue et perspectives d’analyse : Présentation des résultats des entretiens aux participants de la recherche-action lors d’un troisième focus group. Les échanges seront enregistrés, retranscrits puis analysés.

Les professionnels sont amenés à coconstruire de nouvelles perspectives d’évolution pour accompagner des changements de pratiques dans un espace de concertation réflexif : « Sur quoi avons-nous avancé ? Quelles sont les limites de ce travail et les perspectives pour poursuivre ce cheminement ? », telles pourraient être les questionnements de ce dernier focus group. Ces nouveaux échanges seront enregistrés, retranscrits puis analysés.

La structure d’accueil s’inscrivant dans une dynamique d’innovation et d’évolution sociétale contribuera à une diffusion plus large des résultats de cette Recherche-Action : Tout au long du travail de recherche, l’intervenante pourra être amenée à communiquer sur les résultats de cette recherche dans le respect du code de déontologie de la recherche et des principes éthiques qui auront été discutés et contractualisés en amont avec les instances de gouvernance et les participants du travail de recherche. Ces communications pourront prendre la forme d’articles scientifiques ou à visée professionnelle, ou bien pourront concerner la participation à des colloques dans la sphère scientifique et professionnelle.

Un rapport de la Recherche-Action sera rédigé au terme de ce travail pour laisser trace de cette collaboration et proposer de nouvelles pistes pour l’action. Possibilité de prévoir la remise d’un rapport intermédiaire.

Outils pédagogiques

Présentation de la démarche en visioconférence

Entretiens semi-directifs construits en appui des attendus du référentiel d’évaluation de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (HAS, 2022) en visioconférence

Focus group (restitutions des résultats des différentes analyses et temps de formation théoriques)

Analyse lexicométrique des entretiens individuels et des focus group (logiciel Iramuteq)

Carnet de bord (approche ethnographique, observations-participantes)

Journées de formation en présentiel pour le travail de co-écriture de l’article

Journées de formation en présentiel sur les concepts visant la mobilisant du pouvoir d’agir des personnes accompagnées

Journée de formation en présentiel avec les deux groupes de travail pour articuler le travail d’écriture autour de la complexité de la demande d’asile et de l’accompagnement au développement du pouvoir d’agir

Participation potentielle à des colloques sur la thématique étudiée

Grille de satisfaction et d’auto-évaluation des acquis de la formation.

Support pédagogique construit « sur mesure » pour la structure et répondant aux attentes

Références permanentes aux textes législatifs et/ou réglementaires, ainsi qu’aux recommandations de la HAS

Résultats de recherches universitaires sur l’accompagnement des Mineurs Non Accompagnés

Expériences vécues par la formatrice pour illustrer le propos

Possibilité de rester en contact avec la formatrice suite à la formation pour la mise en pratique des connaissances acquises

Formation disponible en présentiel et en distanciel